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Tel Saint-Georges, le célèbre tueur de dragon, divinité scytho-indienne, devenu figure païenne avant de devenir le motif le plus représenté des icônes orthodoxes, Baba Yaga peut-elle venir d’un passé plus ancien ? de contrées plus lointaines ? C’est ce qui nous a intéressé ici.

Une analyse précise des contes nous permet de mettre en lumière l’héritage païen, animiste, chamanique et même totémiste présent dans le folklore russe. La Yaga ne commande-t-elle pas aux vents tourbillonnants et à des animaux à « voix humaine » ? « Soyez les bienvenus bêtes des bois et oiseaux du ciel ! » ; « salut à vous, poissons et bêtes aquatiques ». Cet univers symbolique russe, encore très effectif au tournant du XXe siècle et pendant la mise à l’écrit des contes, transparaît à de nombreuses reprises. Ainsi les contes nous aident-ils à reconstituer, à décoder des modes de représentation du monde alentour et au-delà et donc les conceptions de la vie et de la mort des différents peuples de Russie orientale et occidentale.

Après avoir cherché dans les contes des indices sur le mode de représentation du monde alentour et au-delà, visible et invisible, on s’intéresse aux témoignages des modes d’accès au monde de l’invisible… En effet, à maintes reprises, les contes témoignent de pratiques chamaniques probablement à l’œuvre dans de nombreuses zones du territoire russe puis de l’empire, à commencer par la Sibérie et l’Asie centrale. L’héritage « asiatique » a toujours fasciné et les contes témoignent de sa prégnance. En se basant sur des exemples concrets tirés des contes, on peut comparer, la quête d’Ivan à un voyage ou rêve initiatique de chaman, les étapes périlleuses sont les souffrances du corps nécessaires à l’atteinte de l’extase, le thème de la descente aux enfers est présent dans la descente dans le souterrain et l’ascension de la montagne inaccessible rappelle fortement l’ascension céleste et la Montagne sacrée.

On peut même aller plus loin : la Yaga elle-même apparaît comme un chaman de haut vol, capable de se mouvoir indifféremment dans le monde des vivants et le monde des morts. En tant qu’esprit des chamans anciens ou même en tant qu’ancêtre totémique, elle accorde l’aide magique au chaman en herbe. Pourtant, sa représentation de sorcière, parfois terrifiante, parfois bienveillante, parfois même soumise, laisse supposer qu’elle appartient à un temps révolu, à une autre histoire. Elle est à contretemps avec le temps du conte, elle est déchue et son ton confine parfois à l’aigreur. Pourtant elle résiste, elle est toujours là, à toutes les époques. C’est peut-être cette origine archaïque qui fait d’elle une gardienne de ce qui résiste, ce qui était là « avant », ce qui perdure.  

Baba Yaga : témoin ou gardienne des « institutions » pré-chrétiennes de Russie occidentale et orientale ?

 

Par Sandra Pellet

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