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Au sein des récits et légendes russes, un personnage semble laisser une impression toute particulière aux lecteurs et auditeurs. Ce personnage, Baba Yaga, impressionne mais affecte également. Non pas par la grandeur de ses sentiments, son héroïsme ou sa ruse, tels les héros et héroïnes de ces histoires, mais bien par l'effet qu'elle produit. Figure ambivalente, mais menaçante, l'ensemble de ses représentations semble dépasser le seul rôle qu'elle tient au sein du conte. Personnage que les parents peuvent encore utiliser comme menace contre les interdits (tel le loup dans les contes français), elle est aussi en Russie une figure au travers de laquelle des générations reconnaissent une empreinte très forte de leur culture. Le mystère qui entoure ses origines n’aurait-il pas à voir avec l’origine des affects qu’elle provoque ?

 

Les symboles dont elle est porteuse continuent d’exercer leur empreinte avec force sur les lecteurs qui ont croisé son chemin. La psychanalyse peut ici permettre de penser les fantasmes inconscients à partir du lieu de leur origine et de considérer Baba Yaga comme une résurgence anachronique de ces fantasmes infantiles.

 

Dans un premier temps, nous pouvons souligner la menace principale dont Baba Yaga est porteuse : son cannibalisme. Les premières identifications du sujet, lors du stade oral, font jouer les fantasmes de dévoration d'une Mère alors représentée comme toute puissante.

 

D'autre part, les descriptions macabres du corps de Baba Yaga viennent interpeller l'imaginaire de chacun. Les attributs sexuels, montrés de manière violente et crue, côtoient une « jambe d'os ». Cette association pourrait rappeler la présence de serpents sur la terrifiante tête de la Méduse. Ceux-ci symboliseraient, selon Freud, le « manque » du sexe de la mère. Par sa représentation mortifère, la Yaga pourrait constituer une résurgence de l’angoisse créée par la figure d’une Mère porteuse de la menace de castration.

 

Dans un troisième temps, l'ambivalence de Baba Yaga, figure pivot, décidant du destin des héros qui s'aventurent chez elle, pourrait la rapprocher d’une représentation des Moires. Pour Freud, la représentation féminine de la Mort serait effectivement liée à Atropos (l'Inexorable). La cruauté de Baba Yaga trouverait-elle son origine dans la figure d'une Mère cruelle qui ne reconnaît pas les désirs de son enfant, et, telle Mère Nature, renverrait l'Homme à l'acceptation de la fatalité du Destin ?

Baba Yaga, ou les Survivances d’un maternel archaïque

 

Par Wanda Skotnicki

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