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« Parents : ne nous menez pas sur le mauvais chemin. Ne fêtez pas Noël, ne vous
laissez pas séduire par le sapin ». « Élevez les enfants à l’aide d’un instructeur, pas à
l’aide de Dieu ». 


Tels furent les slogans brandis par des enfants lors d’une manifestation contre la
fête de Noël en 1929. La suppression progressive de toutes les fêtes chrétiennes à
partir de 1927 fut le premier pas dans un long processus de révision et de
restructuration culturelle qui visait à moderniser un pays plongé dans l’obscurité de
la superstition et de l’animisme, un pays considéré comme « arriéré par le nouveau
gouvernement . Le conte populaire en fut une des premières victimes.
Le cinéma soviétique, en plein essor depuis la fin de la guerre civile, ne pouvait pas
se permettre de considérer le conte comme une source d’inspiration pendant les
premières vingt années de son existence. Pourtant, en 1939, l’imminence de la
guerre permit au jeune réalisateur Alexandre Ruo de mettre en scène une version de
Vasilissa la très belle, au nom du nationalisme russe renaissant. Jouée par un homme,
Guéorgui Milliar, Baba Yaga en fut une des vedettes. Au cours des trente années
suivantes, Milliar incarna Baba Yaga quatre fois à l’écran soviétique. Ses
interprétations de ce personnage témoignent d’une lente mais constante évolution
dans le rapport entre les besoins du moment historique et le désir du public. Vieille
relique du passé païen de la Russie, Baba Yaga devint la mascotte du pays, et même
en quelque sorte son ange gardien. 
Pourtant, pour atteindre son statut de symbole patriotique de l’URSS, le personnage
de Baba Yaga a dû subir certaines modifications : de puissance archaïque analogue à
l’Ombre des écrits de Carl Jung, elle s’est trouvée transformée en une vieille
grincheuse, dotée d’abord d’un passé, puis d’une famille, et finalement donc d’une
existence historique qui lui permettait de commenter les affaires courantes mais qui

l’ont rendue, hélas, humaine – trop humaine.

Baba Yaga sur l’écran soviétique : une histoire de métamorphoses


Par Masha SHPOLBERG

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